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Féminiser les responsables agricoles

L'équipe de Terre Atlantique.

Le constat est sans appel. En 2024, être une femme à responsabilités dans la distribution agricole fait figure d’exception, que ce soit à la direction des entreprises ou dans les conseils d’administration. Pourtant, des initiatives émergent ici ou là pour permettre à la gent féminine de davantage trouver sa place.

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Jusque dans les années 1960, l’agriculture était exclusivement une affaire d’hommes, une activité transmise de père en fils. L’épouse du chef d’exploitation était souvent l’« aide familiale ». Autant dire « sans profession ». Une situation qui a fortement influencé la prise de responsabilité et la situation actuelle.

1 Coops et négoces loin du compte

Alors que 25 % des chefs d’exploitation sont aujourd’hui des femmes, elles représentent à peine 10 % des administrateurs de coopératives agricoles (non soumises aux dispositions de la loi du 27 janvier 2011 sur la parité), soit 2 000 administratrices et une dizaine de présidentes. Et le pourcentage de « patron » femme, que ce soit en coopérative ou en négoce, est sans doute encore moindre. Souvent, côté coopératives, les agricultrices n’osent pas et ne se sentent pas reconnues comme légitimes par leurs pairs. Côté négoce familial, s’il y a le choix entre le fils et la fille, très souvent le fils est mis aux commandes et la fille récolte un poste alternatif. Certaines d’entre elles font néanmoins exception.

2 Se construire une crédibilité

C’est le cas de Catherine Racle, qui dirigeait jusqu’à cet été le négoce Bresson et qui vient de prendre sa retraite. Elle se souvient : « Quand j’arrivais à une réunion, on se demandait qui était cette femme, souvent unique, en n’imaginant pas que je puisse être le PDG de l’entreprise. Sans compter que les hommes se serraient la main et que certains se faisaient un plaisir de m’embrasser. “Ma plus belle concurrente”, ai-je même entendu », réagit-elle. « Dans les discussions, même ostracisme, les “éléphants” me parlaient de mes enfants ou de la météo. Il a fallu que je me fasse une crédibilité là où pour un homme c’était naturel. » Catherine Racle est claire : « Les relations avec nos clients et fournisseurs sont juste différentes. Nous sommes par nature plus intuitives, moins dans le rapport de force. En résumé, parfaitement complémentaires pour diriger une entreprise avec des hommes. »

3 Faire le choix de la compétence

Charlotte Le Feuvre, 35 ans, est présidente de la coopérative Les Salines de Guérande depuis 2018, après dix ans au conseil d’administration. « Un différent majeur a opposé une partie du conseil à l’ancien président, relate cette mère de six enfants. Il n’y a eu aucune hésitation pour que je devienne présidente. » Il fallait de la compétence, les élus ont choisi. « Quand vous avez l’aptitude, que vous soyez homme ou femme, c’est pareil. Le respect vient avec le fait de faire le job. Et avec les nouvelles générations, le mouvement est en marche. » Elle avoue bien qu’à l’extérieur les regards sont différents. « Je suis très souvent la seule femme, mais je n’ai pas de difficulté à me faire entendre s’il le faut. »

4 De la nécessité de s’organiser

À la Cavac, sous l’impulsion du président, Lucie Mainard a créé « Les Bottées ». « On est venu me chercher pour être administratrice, et j’ai rapidement proposé de former un club de femmes. » Le groupe s’est donné trois objectifs : développer une stratégie sur le recrutement des talents féminins en y incluant les opérationnels (notamment les TC), communiquer davantage sur les réseaux sociaux, développer la cooptation avec un slogan « Viens amène quelqu’un » qui préconise qu’à chacun de nos trois rendez-vous annuels, la vingtaine de membres essaye de ramener une amie. « Nous avons aussi été plus loin en organisant un évènement cinéma ouvert à tous, le 7 septembre dernier. La projection du film « Moi, agricultrice » suivie d’un débat a rassemblé plus de 120 personnes », rapporte-t-elle. Les objectifs étaient multiples : la prise de parole en public d’agricultrices, la reconnaissance, la sensibilisation des adhérents, mais aussi des ruraux, la mise en valeur de la coop et de ses femmes.

5 Ne pas tomber dans la « chasse aux nanas »

Fortes du constat du manque de féminisation des conseils d’administration agricoles, les coopératives se mobilisent. « Mais de façon étonnante et sans complexe, on a vu apparaître lors des dernières années une “chasse aux nanas” de certains présidents pour réussir à apparaître à peu près crédible face aux autres secteurs économiques », relate une administratrice qui souhaite garder l’anonymat après s’être vu proposer plusieurs postes. « Oui, il faudra que ce monde masculin évolue, pas forcément vers la parité, mais au moins vers une ouverture intellectuelle des élus en place. » Petite éclaircie, dans les écoles Atouts Jeunes, la féminisation connaît un phénomène exponentiel. Il y a 18 ans, lorsqu’une femme était stagiaire, l’animateur Campus Triangle était content. Aujourd’hui, très fréquemment le taux de féminisation est supérieur à 30 %, avec pour la première fois une coopérative qui devrait constituer une promotion 100 % féminine.

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